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mercredi 8 octobre 2008

Lecture

Albert Kahn, le monde en couleurs

Albert Kahn, le monde en couleurs - Autochromes 1908 - 1932

Autochromes 1908 - 1932

Posant, à l’instar d’un Curtis ou d’un Flaherty, les prémisses d’une photographie documentaire et anthropologique, Albert Kahn finance un vaste programme photographique à travers le monde. Cette aventure humaine, guidée par l’idéalisme d’un banquier mécène est racontée par David Okuefuna. Ecrit en complément de la série télévisée réalisée pour la BBC, « Albert Kahn, le monde en couleurs », présente un échantillon des collections du Musée Albert Kahn à Boulogne Billancourt.

C’est sans doute rare, mais on rencontre parfois des banquiers philanthropes, généreux et désintéressés. Albert Kahn est de ceux-là. En 1908, il entreprend de faire un tour du monde en compagnie de son chauffeur Alfred Dutertre, dûment équipé d’un appareil photographique. Il en revient avec quelques plaques stéréoscopiques noir et blanc et autochromes [1]. Enthousiasmé par les résultats de son voyage, il décide de systématiser sa démarche et se lance dans un ambitieux projet à vocation encyclopédique, les Archives de la Planète. Son objectif, à la fois ethnologique et patrimonial, est d’enregistrer les traces d’un monde voué à disparaître sous les coups de boutoir de la modernité. Dans une lettre de janvier 1912, il écrit au géographe Jean Brunhes, directeur scientifique de l’entreprise, qu’il fallait « fixer une bonne fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ».


Campagnes photographiques

Entre 1909 et 1932, ce dernier organise des campagnes de prises de vues chargées de dresser un inventaire autour des axes suivants : le milieu naturel, l’habitat et l’architecture, l’art et la culture, la religion, la vie quotidienne, le costume, les transports, la vie économique et enfin la vie politique et sociale. Un noyau dur de huit photographes et trois cinéastes [2] parcourent l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique pour rapporter près de 4000 plaques stéréoscopiques, 72000 autochromes et 161 945 mètres de films, dont une infime partie fut montée.

Comme on peut l’imaginer, présenter un corpus aussi conséquent est une véritable gageure. Il y a toutes les chances pour que les coupes, nécessairement importantes, entraînent quelques insatisfactions plus ou moins justifiées. David Okuefuna prend le partie de le survoler en 350 photographies, tout en cherchant à rester relativement proche de l’esprit et des intentions formulées par Brunhes et Kahn. De ce point de vue, l’ouvrage ne démérite pas et permet de se faire une belle idée de ce que sont ces Archives de la Planète et le fond Albert Kahn.

A deux exceptions près (la guerre et le portrait), les chapitres reprennent une division géographique, chaque fois introduite par un texte. Si celui-ci, toujours vivant et riche en informations, est passionnant, on reste un peu sur sa faim en ce qui concerne le volet photographique.


Pittoresque

Etait-il bien nécessaire, par exemple, de consacrer un chapitre de cinquante pages aux photographies de la première guerre mondiale ? Bien qu’elles fassent partie du fond Kahn, ces images ont peu à voir avec les Archives de la Planète. Elles sont par ailleurs souvent connues et furent produites en collaboration avec la Section Photographique de l’Armée. Autant dire qu’on oscille entre la complaisance et ni plus ni moins que l’image de propagande. Ce sont finalement des documents assez pauvres qui apportent bien peu de choses.

Pour le reste, on regrettera, en plus de quelques recadrages malheureux, la part belle faite aux vues trop typiques, souvent folkloriques ou évidentes (la tour Eiffel, le Taj Mahal sous son angle le plus commun). Cela est d’autant plus regrettable que cet intérêt pour ce pittoresque, assez sec, se fait au détriment de l’aspect documentaire du projet. Un choix éditorial plus judicieux aurait pu s’attacher à valoriser la dimension sérielle des vues ou encore la description détaillée de telle ou telle architecture, costume ou situation significative.

Dans Matière et mémoire, Henri Bergson, ami de Kahn et membre du comité scientifique des Archives, écrit : « Pour évoquer le passé sous forme d’image, il faut pouvoir s’abstraire de l’action présente, il faut savoir attacher du prix à l’inutile, il faut vouloir rêver. » Concernant l’aspect photographique, c’est malheureusement plus en touriste pressé qu’en curieux rêveur qu’on visitera ce monde en couleurs d’Albert Kahn.

[1] Procédé couleur à base de fécules de pomme de terre colorés, mis au point par les frères Lumières en 1904 et commercialisé en 1907.

[2] Ces cinéastes sont Lucien Le Saint, Camille Sauvageot et Thibaud. Les photographes sont Auguste Léon, Léon Busy, Paul Castelau, Georges Chevalier, Fernad Cuville. Roger Dumas, Frederic Gadmer et Stéphane Passet étaient, quand à eux, photographes et cinéastes. Enfin, quelques photographes occasionnels apportèrent également leur concours à l’entreprise tel que Souvieux, Courtellemont, Mespoulet ou Mignon.


Informations pratiques, notation et achat :

Le monde en couleurs
Photographies de Albert Kahn
Editeur : Le Chêne (8 octobre 2008)
Langue : Français
ISBN-10 : 2842779274
ISBN-13 : 978-2842779276
Prix : 45 euros
 


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