Robert Frank à Paris
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Rencontrer Robert Frank peut changer une vie. Et à défaut de lui serrer la main, de se faire filmer ou photographier par lui, de l'entendre parler de son art et de sa pratique, il suffit de regarder ses photos, de voir ses films pour saisir à quel point cet homme-là est inscrit dans le monde, comme nul autre. Le plus facile, lorsqu'on évoque son regard, c'est de dire qu'il a été dès les années 1950, le précurseur de la photographie de rue - celle-là même qui fleurit depuis le début des années 2000, notamment dans les blogs de mode. Ce regard sur le monde aux alentours, Robert Frank ne l'a pas eu par hasard. Il faisait partie des attributs de son monde, qui incluait des gens comme Jack Kerouac ou Allen Ginsberg, c'est-à-dire des artistes qui regardaient le monde différemment, le scrutait dans son quotidien, dévoilant l'Amérique comme jamais auparavant, des routes à la drogue. Le plus beau avec Robert Frank, c'est sans doute son geste d'abandon de la photographie la plus commune pour aller vers autre chose, vers un art plus intime, plus expérimental, à la fois en film et en photo. Un art de la reconstruction du réel, comme si, après avoir donné des visions très exactes de ce qui se passait dans la rue, il lui fallait construire autre chose, d'autres images, plus mirifiques, moins formatées aussi.
Récemment, l'éditeur allemand Steidl a entrepris de rééditer son oeuvre. Plusieurs livres sont sortis, ainsi que des coffrets de films. Parmi les premiers, il y a un ouvrage totalement inédit : Paris, qui reprend des photos de Robert Frank faites à la fin des années 1940 et au début des années 1950, lorsqu'il vivait à Paris ou y était de passage. L'exposition du Jeu de Paume reprend 83 photographies constituant l'oeuvre qui a fait connaitre Frank, son livre les Américains, publié pour la première fois en 1958, en France. On y verra aussi 79 de ces clichés faits à Paris, qui dévoilent une ville tout à fait différente de celle des années 2000, comme à des siècles de distance. Dans son regard, Paris semble un autre monde, mais en même temps parlera de manière très ouverte aux lecteurs des livres de Patrick Modiano : on y distingue un Paris comme enfoui dans les strates de la mémoire, mais qui resurgit à intervalles réguliers. Dans les photos de Robert Frank, ce Paris est d'une incroyable modernité. A moins que ce ne soit son regard à lui qui n'ait jamais, jamais, jamais vieilli.
Robert Frank, Un Regard Etranger, Paris / Les Américains. Au Jeu de Paume, Concorde, Paris. Du 20 janvier au 22 mars 2009.
Photo : Robert Frank, Paris 1949 - 1952, © 2008 Robert Frank
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