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mardi 9 décembre 2008

Expo

Jusqu’au 23 décembre prochain, les travaux de Walker Evans et Henri Cartier-Bresson à la Fondation HCB sont réunis autour du thème “Photographier l’Amérique, 1929-1947″.

L’exercice peut paraître surprenant tant les travaux les plus connus de Cartier-Bresson concernent assez peu le territoire américain alors que l’ensemble de l’œuvre de Walker Evans se déroule dans ce pays. De plus pour la période choisie, le photographe américain a déjà réalisé l’essentiel de son œuvre alors que Cartier-Bresson n’a pas entamé la période “Magnum” de sa carrière. On aurait pu supposer que le thème et la période aurait avantagé nettement l’accrochage et la mise en valeur des travaux du photographe américain.

 C’est en partie le cas, la sélection de photographies d’Evans étant très proche du contenu d’”American Photographs”, œuvre fondatrice de la photographie documentaire américaine. Mais ce déséquilibre n’est jamais criant. A aucun moment, les travaux du créateur de Magnum ne se laissent éclipser par l’impact des travaux du maître américain. C’est là le grand mérite des commissaires de l’exposition qui démontrent que la vision de l’Amérique de Cartier-Bresson s’inscrit en partie en référence à l’œuvre de Walker Evans. Mais le photographe  français ne s’y perd pas, il élargit sa quête à des parties du territoire ignorées de Walker Evans (Los Angeles, Nouveau Mexique…). Il y affirme constamment sa propre personnalité avec une photographie ouverte, qui respire, centrée sur les gens et où le décor agencé dans un souci d’équilibre intervient comme une contextualisation et non comme sujet. Inscrite dans l’héritage du surréalisme et l’influence de Matisse, l’image de Cartier-Bresson privilégie le mouvement, l’humain, le présent.

Chez Evans, l’humain est rarement associé à son environnement urbain. C’est l’habitat ou le prélèvement d’un micro décor qui sert de cadre aux visages et aux corps photographiés. Les éléments se concentrent et se bousculent dans le souci manifeste de transmettre le plus grand nombre d’informations visuelles pour construire l’amorce d’un récit. Un récit soucieux de l’essentiel et qui écarte systématiquement l’anecdotique ou le décoratif. Les prises de vue des rues révèlent une superposition d’architectures, de paysages, de détails urbains et de rares personnages qui se tassent sans la moindre recherche de dynamisme. Walker Evans est le photographe d’un territoire et d’une vision historique de l’Amérique, mais comparée à Ansel Adams, cette vision, loin de toute construction paysagère, est privée des mythes et de l’appel au sublime. Le ciel disparaît, les grands paysages sont obstrués par des carcasses de voitures en décomposition, Cape Code et les bords de mer sont bouchés par les personnages au premier plan. Chez Evans, tout est installé, tassé dans le souci de fusionner les éléments, de créer un ensemble ne pouvant exister que dans son unicité et non pas dans un assemblage.

Au final, c’est ce qui sépare les deux hommes, et l’exposition le démontre à merveille lorsque arrivent en fin de parcours les photographies prises par les deux maîtres à la Nouvelle Orléans. Chez Evans, le barbier (qui est une “barbière”) pose devant sa devanture décorée de motifs linéaires, en haut un balcon en fer forgé. Ces motifs ne cherchent pas l’évocation, ils participent à un ensemble posé, installé, comprimé contribuant à rendre l’image d’une Amérique historique, immuable et hors de portée de l’Homme . A cet instant, il semble qu’intervient une « crise » chez HCB, cette Amérique là ne l’intéresse pas. L’architecture coloniale, les ornements des balcons font rejaillir l’attrait du motif. Les personnes, brunes et noires, jouent aux cartes dans la moiteur de l’atmosphère de la ville. L’architecture sert autant de décor que de motif à une composition où les corps s’agencent comme dans une danse. HCB reprend son autonomie et annonce les métamorphoses du reporter à venir, la découverte de l’Egypte, de l’Inde et les chorégraphies des foules lors de l’enterrement de Ghandi.

C’est au final ce qui ressort le plus de cette exposition et ce que souligne Jean-François Chevrier dans le passionant essai rédigé pour le catalogue de l’exposition, l’Amérique d’Evans est le thème d’une œuvre que le photographe construit avec une réelle conscience de cet objectif. Pour Cartier-Bresson, il s’agit d’une étape constitutive d’une œuvre qu’il ne se souciera jamais de construire (lire aussi le texte de Michel Poivert).

A ce titre, le colloque de quatre jours, intitulé “Revoir Henri Cartier-Bresson” faisait intervenir autour d’Agnès Sire de nombreux historiens et conservateurs : Peter Galassi, Michel Poivert, Jean-François Chevrier…. Ce dernier, ayant souvent précisé que sa carrière fut faite contre un certain dogme Cartier-Bressonien, sa présence signifie donc le retrait du dogme et l’amorce d’une approche historienne et scientifique autour d’une œuvre qui reste à bâtir.

Assia Naïl

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